Comment gouverne…le briseur de tabous à Pôle Emploi

BE.
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Paris, le 11 juin 2015

challengesextraits du N° 437 du jeudi 11 au mercredi 17 juin 2015

Jean Bassères n’hésite pas à affronter les syndicats pour mettre en œuvre sa réforme du service public de l’emploi et y imposer la culture du résultat.

Il a fallu batailler pour obtenir cet entretien. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi depuis 2011 et reconduit en 2014, n’aime pas les exercices journalistiques qui reposent sur la « personnalisation ». « Mais je me rends compte qu’aujourd’hui il faut incarner les structures », concède-t-il, autour d’un plateau-repas froid, à la sortie d’un conseil d’administration. D’autant qu’il veut « combattre le “Pôle emploi bashing”. Plus qu’assez qu’on dise : l’augmentation du chômage, c’est la faute de Pôle emploi ; sa baisse, c’est grâce à la croissance ! »

Un service différencié

A 55 ans, cet ancien chef de l’inspection générale des Finances (IGF) mène tambour battant une vaste réforme du service public de l’emploi. D’abord, il a brisé un tabou, en arrêtant la politique uniforme qui visait à assurer le même service à tous les chômeurs. « Le service public, ce n’est pas traiter tout le monde pareil, cette vision est dépassée », clame-t-il. En 2013, il a donc instauré « l’accompagnement renforcé » des publics les plus éloignés de l’emploi (70 personnes au maximum par conseiller), « l’accompagnement guidé » pour les intermédiaires et « suivi » pour les plus autonomes (200 à 350 personnes par conseiller). « Il a mis fin au suivi mensuel personnalisé qui obligeait à rencontrer tous les demandeurs d’emploi une fois par mois. C’était si chronophage que beaucoup ne s’y tenaient pas ! », salue Hervé Chapron, ancien cadre de l’institution et auteur de Pôle emploi. Autopsie d’un naufrage (Les Editions de l’Opportun), qui critique la gestion de son prédécesseur Christian Charpy.

Pour mettre en œuvre son projet, Bassères a bénéficié de moyens importants, 4 000 postes supplémentaires en CDI, ce qui ne satisfait pas pour autant la CGT Pôle emploi. « Il refuse de demander plus de moyens devant la représentation nationale », regrette Nathalie Potavin, la déléguée syndicale centrale. Mais, d’après Hervé Chapron, « il a fait passer l’organisation d’une culture de moyens à une culture de résultats ». Sur les trois prochaines années, il a créé quatorze indicateurs de performance (délai de paiement, retour à l’emploi, satisfaction des usagers et des entreprises…) pour mesurer les progrès au niveau national et dans les agences. Hélas, un récent rapport IGF-Igas a montré que les objectifs sur la période 2012-2015 « ne sont pas atteints pour plus de la moitié d’entre eux », soulignant les faiblesses dans l’accompagnement des chômeurs.

Spécialisation des conseillers

Dans ce fief de travailleurs sociaux, Bassères a réussi à faire accepter la mise en place d’équipes dédiées au contrôle des chômeurs. A partir d’août, 200 personnes seront chargées de sanctionner les demandeurs d’emploi qui n’en cherchent pas vraiment un. Politiquement, la mesure gênait à gauche, mais il a bénéficié de l’appui, « in fine bénéfique », dit-il, du ministre du Travail François Rebsamen. « C‘est l’une des missions de base de Pôle emploi et un sujet à dépolitiser », lâche t-il. Autre mesure importante, Jean Bassères a rétabli une forme de spécialisation des conseillers : des agents sont chargés de répondre aux besoins des entreprises, un point faible de l’établissement public jusqu’à présent. Surtout, il a amorcé sa numérisation. Une collaboration avec des start-up a enrichi la plateforme « Pole-emploi.fr » d’1,2 million d’offres, et quatre MOOCs sur la recherche d’emploi ont été développés. Il défend en outre le passage au 100 % Web : dès septembre, quatre régions testeront des processus d’inscription et d’indemnisation dématérialisés. « Attention, le tout-numérique laisse de côté des personnes qui ont du mal à utiliser Internet, à hiérarchiser les informations… et surtout qui ont besoin de temps avec leurs conseillers », nuance Stéphane Lardy, représentant FO au conseil d’administration. « Dans les quartiers difficiles, les jeunes ne sont peut-être pas qualifiés, mais ils sont tous sur smart-phones », objecte Bassères. 

« Franc », « direct », « parfois têtu », selon les différents syndicats, il affiche ses convictions sans craindre le conflit. « Charpy avait installé une gestion plus paritaire de l’organisme, dans la diplomatie et le dialogue », rappelle Frédéric-Paul Martin, délégué syndical central CFE-CGC. Lui ne vient qu’une fois par an au comité central d’entreprise. « Il est en guerre avec notre organisation syndicale, lance Jean-Charles Steyger, délégué SNU. Sa vision, c’est : vous gérez avec moi ou contre moi. » Dommage pour le climat social. Mais Bassères veut d’abord être jugé aux résultats.

par Léa Lejeune

L’autorisation de dépenses. Cet ancien des Finances a encadré la première autorisation de dépenses publiques des Forces françaises libres. Un fétiche signé de la main du général de Gaulle en juillet 1940.

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Les gants de boxe. Un ami de Bercy les lui a offerts il y a quelques années.« Ce n’était pas vraiment pour le sport, mais pour souligner mon tempérament de boxeur », s’’amuse-t-il.

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Le miniballon de rugby. C’est sa boule antistress à lui, un cadeau de son fils. S’il ne pratique pas le rugby, le directeur de Pôle emploi est un vrai fan de ce sport. Il expose aussi un maillot de l’équipe de France.

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La tasse. Elle lui a été offerte à son arrivée à Pôle emploi, en 2011. Malgré un malaise cardiaque en février, Jean Bassères a toujours droit au café et enchaîne les tasses tout au long de la journée.

 

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« Sa vision, c’est : vous gérez avec moi ou contre moi. » Jean-Charles Steyger, délégué SNU.

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Marc Bertrand pour Challenges

 UN HAUT FONCTIONNAIRE

1960 Naissance à Perpignan.

1984 Entrée à l’ENA.

1992 Conseiller technique au ministère de l’Economie.

1998 Directeur de la comptabilité publique.

2000 Directeur de cabinet au ministère de l’Economie.

2005 Secrétaire général du ministère de l’Economie.

2008 Chef de service de l’inspection générale des Finances.

2011 Directeur général de Pôle emploi.

LA MACHINE PÔLE EMPLOI

54 000 agents fin 2014, dont 4 000 conseillers recrutés en 2012 et 2013.

5,1  milliards d’euros de budget pour 2015.

 

 

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