Interview du directeur général par l’AEF

BE.
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3 mars 2014, Paris

Voici l’interview du directeur général par l’AEF, entretien réalisé le 24 février dernier)

Pôle emploi : Jean Bassères fait le point pour AEF sur les principaux chantiers de l’opérateur

Après une année 2013 consacrée au déploiement du plan stratégique « Pôle emploi 2015 » dans un contexte de fort taux de chômage, 2014 est l’année de « l’appropriation » des chantiers engagés et de la « consolidation » pour l’opérateur, affirme Jean Bassères, lors d’un entretien accordé à l’AEF lundi 24 février 2014. Pôle emploi 2015, future convention tripartite État-Pôle emploi-Unédic, négociation sur l’assurance chômage, formation professionnelle, conditions de travail des agents, classification : le directeur général de Pôle emploi répond aux questions d’AEF sur les dossiers de l’année 2014.

AEF : La phase de déploiement du plan stratégique « Pôle emploi 2015 » est maintenant bien avancée. Quelles sont vos priorités pour 2014 ?

Jean Bassères :En 2014 nous devons maintenir nos bons résultats sur l’accueil, l’inscription et l’indemnisation. Car la première chose qu’attend un demandeur d’emploi est d’être rapidement informé sur ses conditions d’indemnisation pour pouvoir se consacrer à sa recherche d’emploi. La deuxième priorité est la consolidation de notre offre de services qui doit être pleinement appropriée par les conseillers. Une autre de nos grandes priorités est de poursuivre le mouvement de déconcentration et de donner un maximum de marge de manœuvre aux directeurs d’agence et aux conseillers. Enfin, en 2014 nous voulons donner la pleine mesure aux actions innovantes engagées en 2013.

AEF : Par exemple ?

Jean Bassères :Par exemple l’accompagnement global que nous menons en partenariat avec les conseils généraux qui est une démarche importante. Autre exemple, le 100 % web qui va se mettre en place dans plusieurs agences pilotes en 2014. Un service a déjà été ouvert en Île-de-France. Je pense également aux outils d’agrégation d’offres d’emploi en ligne. Plus de 26 000 offres d’emploi disponibles proviennent désormais de nos partenaires.

AEF : Dans un document présenté aux organisations syndicales sur le bilan de l’année 2013 et les objectifs pour 2014, vous avez indiqué vouloir vous « donner du temps » sur certains projets. Est-ce que cela veut dire que vous êtes allés trop vite et que vous faites une pause ?

Jean Bassères :Non, il ne s’agit pas de faire une pause générale. Nous sommes engagés dans un mouvement de tranformation qu’il faut consolider et poursuivre. Cependant, sur certains thèmes, il faut prendre le temps. Par exemple, nous avons la volonté que les agences de Pôle emploi formalisent leurs engagements de services vis-à-vis des demandeurs d’emploi. Ce sera fait en 2014 mais seulement dans quelques agences. Sur la performance comparée entre agences, nous avons toujours pour ambition d’avoir la possibilité de donner aux managers la possibilité de comparer les résultats de leur agence avec ceux d’agences placées dans des environnements socio-économiques proches. Nous allons le faire mais nous avons décalé cette étape à 2015. Nous avons désormais accès aux informations concernant les déclarations préalables à l’embauche mais les agences n’ont accès à ces données que depuis le début de l’année, donc tout cela prend un peu de temps.

Dès le départ, Pôle emploi 2015 a été conçu avec l’idée de mettre en place les réformes en 2013 et de laisser plus de temps à l’appropriation en 2014. L’abandon du SMP (suivi mensuel personnalisé) a été une vraie rupture, un vrai changement. Il faut donc prendre le temps nécessaire pour que tous les conseillers s’approprient ces évolutions.

AEF : Quelles sont les expérimentations pour lesquelles vous attendez des résultats en 2014 ?

Jean Bassères :Nous attendons des résultats sur le service dédié aux TPE, sur le club jeunes, sur le recrutement sans CV, sur le contrôle de l’effectivité de la recherche d’emploi : peut-on dissocier le conseil et le contrôle ? On expérimente cela dans plusieurs régions avec des équipes dédiées au contrôle. Nous verrons, en fonction des évaluations, les expérimentations qui méritent d’être généralisées.

AEF : 2013 a également été l’année du déploiement de plusieurs dispositifs gouvernementaux impliquant fortement Pôle emploi, notamment les emplois d’avenir. Comment avez-vous répondu aux objectifs gouvernementaux ?

Jean Bassères :Pour les emplois d’avenir, contrairement à ce qui a beaucoup été dit et écrit, nous avons tenu les objectifs avec les missions locales sans dénaturer la cible, à savoir les jeunes non qualifiés. C’est un beau succès. Nous avons également été très mobilisés sur les contrats aidés, même si les objectifs n’ont pas été complètement atteints. En revanche, le jugement est plus mitigé sur les emplois francs car nous avons eu davantage de mal à promouvoir ce dispositif plus original. Il faut sans doute réfléchir à une évolution… Nous restons bien sûr fortement mobilisés sur le déploiement des dispositifs gouvernementaux.

AEF : Concernant les emplois d’avenir, le délégué général de l’UNML estime que les missions locales se sont fortement mobilisées sur les emplois d’avenir mais que cela été beaucoup moins le cas pour Pôle emploi, « même si cela dépend bien sûr des territoires », précise-t-il. Que répondez-vous à cela ?

Jean Bassères : 80 % des bénéficiaires des emplois d’avenir sont des jeunes inscrits à Pôle emploi : c’est le signe objectif de la mobilisation de Pôle emploi. Celle-ci a été très forte qu’il s’agisse de la prospection des employeurs et de l’identification de jeunes bénéficiaires. Après, que l’intensité des relations entre Pôle emploi et les missions locales varie d’une région à l’autre, c’est sans doute vrai, mais c’est vrai dans les deux sens. Dans l’ensemble, nous travaillons en parfaite collaboration, c’est un succès collectif.

AEF : En ce moment a lieu la négociation sur l’assurance chômage. Avez-vous des attentes particulières à ce sujet ?

Jean Bassères :Oui en matière de simplification de la réglementation. Nous avons travaillé sur la question avec les services de l’Unédic et listé 26 thèmes qui pourraient faire l’objet de simplifications. Ces travaux ont été présentés au bureau de l’Unédic. Mais nous sommes simplement là pour éclairer la négociation, dans le respect absolu des compétences des partenaires sociaux. Notre responsabilité est de dire ce qui nous apparaît le plus simple en termes de faisabilité, pour les droits rechargeables [à l’indemnisation du chômage] par exemple.

AEF : La convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi arrive à échéance fin 2014. Avez-vous déjà entamé les discussions pour la prochaine convention ?

Jean Bassères :Pour l’instant, nous n’avons pas commencé les négociations avec l’Unédic et l’État, mais nous commençons à réfléchir à la prochaine convention. Jusqu’où va-t-on approfondir ce qu’on a lancé avec la précédente ? Nous sommes vraiment dans la phase de réflexion. Le bilan de la convention, qui sera fait en septembre, devrait nourrir notre réflexion, tout comme les enseignements que nous allons tirer des expérimentations en cours, par exemple celle sur les conseillers dédiés aux relations avec les entreprises. Un autre thème qui va alimenter notre réflexion sera la loi sur la formation professionnelle, qui doit nous amener à préciser la manière dont Pôle emploi va être un acteur majeur du conseil en évolution professionnelle. Nous allons aussi mener une réflexion sur la révolution numérique qui est devant nous. Avec le 100 % web et le développement des services en ligne, nous enrichissons notre offre de services.

Michel Sapin nous a également invités à réfléchir à la création d’un « emploi store ». Ma conviction est que le numérique est un atout supplémentaire et que de nombreux demandeurs d’emploi et entreprises souhaiteront privilégier son usage. L’idée n’est toutefois pas de rendre obligatoire ce type de relations. Avec la loi formation professionnelle, on s’oriente d’ailleurs vers des mécanismes d’auto-prescription. Les demandeurs d’emploi vont pouvoir davantage choisir eux-mêmes leurs formations mais cela nécessite des outils dématérialisés.

AEF : Où en est le projet de note sur les motifs légitimes d’absence à convocation qui a fait débat avec les associations de chômeurs lors du comité national de liaison de novembre dernier ?

Jean Bassères :Ce projet de note a été rédigé suite à une demande du médiateur d’harmoniser les motifs légitimes d’absence à convocation. Nous avons eu des échanges avec les associations de chômeurs et on s’est rendu compte qu’il était très difficile de normer ces motifs dont l’appréciation suppose la prise en compte de situations individuelles. Nous allons en reparler le 6 mars lors du prochain comité national de liaison mais je ne suis pas sûr qu’on ait intérêt à essayer de normer ces motifs d’absence par un texte prescriptif.

AEF : Un sondage Ifop paru le 16 février dans Sud-Ouest Dimanche faisait état d’une perte de confiance des Français en Pôle emploi. Il apparaît que seuls 10 % des Français font confiance à l’opérateur pour leur trouver du travail…

Jean Bassères :Le sondage compare la situation d’aujourd’hui à celle de 1975. Je préfère comparer la situation de 2014 à celle de l’année dernière, comme c’est le cas dans le baromètre Ipsos que nous venons de publier. D’après cette enquête, il y a une progression de la satisfaction globale puisque 69 % des demandeurs d’emploi sont satisfaits des services rendus par Pôle emploi. On gagne 4 points depuis 2011. Globalement la progression est là, même s’il y a bien sûr des marges de progrès. Il faut notamment que nous travaillions sur l’orientation, la transition professionnelle et la formation.

AEF : Cinq demandeurs d’emploi ont déposé une requête devant le tribunal administratif le 18 octobre dernier. Ils demandent des indemnisations à Pôle emploi pour non respect de son devoir d’accompagnement. Craignez-vous une éventuelle jurisprudence s’ils obtiennent gain de cause ?

Jean Bassères :L’affaire est en cours, je préfère ne pas la commenter. Nous allons attendre le jugement. Je suis simplement surpris par une démarche qui tend à dire que Pôle emploi a une obligation de résultats.

AEF : Dans ce contexte de fort chômage, la pression est accrue sur les agents. Les sujets de tension ne manquent pas. Comment se passent vos relations avec les organisations syndicales ?

Jean Bassères :Je suis très attaché au dialogue social et au langage de vérité dans le dialogue social. Nous travaillons dans une logique de transparence forte puisque tous nos projets de transformation ont été présentés aux organisations syndicales. J’ai pu constater des pistes de consensus sur certains sujets comme l’accompagnement global. Il y a bien sûr des différences de sensibilité, leur prise en compte nous amène à revoir certains projets afin d’aboutir a un consensus. Récemment nous avons signé un accord sur la NAO qui a reçu la signature de la CFDT, de la CFTC, de la CFE-CGC et du SNU, ce dont je me félicite.

AEF : Les organisations syndicales vous ont alerté à plusieurs reprises sur les conditions de travail des agents après plusieurs suicides. Où en est le projet d’expertise sur le sujet ?

Jean Bassères : Nous avons eu de multiples échanges avec les organisations syndicales sur les conditions de travail des agents en particulier en CCE. Et nous avons arrêté un plan d’action ambitieux autour de 25 thèmes. L’Anact nous propose de travailler dans quelques régions sur les moyens d’améliorer le processus de détection et d’accompagnement des situations individuelles difficiles, nous en discutons avec les organisations syndicales. Améliorer l’organisation de travail des agents de Pôle emploi est l’une de nos préoccupations majeures. Notre nouvelle offre de services donne plus de marge de manœuvre aux conseillers, c’est un élément essentiel qui nous permet de sortir d’une logique trop mécanique et automatique. Le renfort des 4 000 CDI est également un facteur d’amélioration des conditions de travail. Mais il faut continuer à être attentif à ce sujet majeur.

AEF : L’accueil fait notamment partie des sujets soulevés par les organisations syndicales…

Jean Bassères :Nous avons lancé un chantier pour avoir une approche plus collective de l’accueil, en nommant un responsable dédié par agence et en améliorant les outils mis à la disposition des conseillers. C’est de nature à améliorer notre qualité de service et à atténuer les conséquences des incivilités. L’accueil est une activité difficile pour laquelle nous réalisons un investissement en formation important notamment afin de prévenir les situations de tension, dans le cadre d’un plan pluriannuel de formation très ambitieux. En 2013 nous avons réalisé plus de 2 millions d’heures de formation pour nos personnels ce qui représente en moyenne 5 jours de formation par agent. Notre priorité est de former les agents à la fonction d’orientation des demandeurs d’emploi. Nous avons décidé de former tous les agents à l’OTLV (orientation tout au long de la vie) : 30 % ont été formés en 2013, le reste des agents le sera en 2014.

AEF : Vous vous êtes aussi engagé à diminuer la fonction support au sein de Pôle emploi. Est-ce toujours votre objectif ?

Jean Bassères :Sans remettre en cause leur importance pour le bon fonctionnement de l’établissement, nous avons en effet engagé un mouvement de diminution de la fonction support. En 2013, environ 350 postes ont été transférés dans les agences, et ont ainsi permis le recrutement de conseillers qui sont au contact des demandeurs d’emploi. Parallèlement, nous avons engagé un mouvement de simplification de certaines activités pour que les conseillers passent plus de temps avec les demandeurs d’emploi L’objectif est d’affecter l’équivalent de 2 000 ETP supplémentaires aux tâches d’accompagnement des demandeurs d’emploi d’ici fin 2014.

AEF : Comptez-vous continuer à développer votre politique de partenariats ?

Jean Bassères :Oui, c’est l’un de nos axes forts. Nous allons développer nos partenariats avec les collectivités locales, les conseils généraux, les régions. Nous allons notamment travailler avec les régions sur les achats collectifs de formation, puisque les choses évoluent avec la loi formation. Pôle emploi n’achètera plus que dans le cadre de conventions avec les régions. Nous avons aussi des partenariats avec les autres acteurs du SPE (service public de l’emploi). Notre accord de co-traitance avec les missions locales prend fin en 2014, il faut réfléchir à de nouvelles actions à mettre en place. Je crois beaucoup à la logique de partenariat qui va de pair avec la déconcentration : c’est localement qu’on choisit et organise les partenariats les plus efficaces. L’objectif est d’être dans la complémentarité, d’aller chercher ce qu’on ne sait pas faire et d’engager des partenariats utiles, en évitant les doublons.

AEF : Vous avez présenté il y a quelques semaines lors d’un conseil d’administration les nouvelles conditions de recours aux OPP (opérateurs privés de placement). Pourquoi cette évolution ?

Jean Bassères :Nous n’avions pas de doctrine sur le fait de recourir à des opérateurs privés. Nous avons souhaité adopter une méthode transparente, nous avons fait appel à des contributions et organisé des auditions sur le sujet. Au final, nous continuerons à recourir à des OPP. Soit en complémentarité avec ce que nous faisons, pour effectuer des prestations que l’on ne peut pas exercer nous-mêmes, par exemple pourquoi pas pour les créations d’entreprises… La réflexion est en cours. Deuxième axe, et là nous changeons de logique, puisque nous ferons désormais appel aux opérateurs privés pour s’occuper des demandeurs d’emploi les plus autonomes, et non plus pour les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi. Ce changement de logique est dû au fait que, désormais, les demandeurs d’emploi les plus en difficulté sont suivis à Pôle emploi dans le cadre de l’accompagnement renforcé. Nous développons avec les OPP une logique partenariale qui passe par des cahiers des charges moins prescriptifs et en contrepartie un renforcement du contrôle de la qualité des prestations.

AEF : Plus de cinq ans après sa création, Pôle emploi n’a toujours pas de grille des métiers. La négociation sur la classification vient de commencer. Quels en sont les enjeux ?

Jean Bassères : Lors de la négociation de la nouvelle convention collective en 2010, il a été choisi de conserver la classification de l’assurance chômage pour les agents de droit privé dans l’attente d’une négociation ultérieure. En 2012, en amont de la négociation sur la classification, nous avons élaboré son premier référentiel des métiers en s’appuyant sur les enseignements tirés des quatre premières années de fonctionnement. Début 2014, la négociation sur la nouvelle classification a été ouverte. Celle-ci doit permettre notamment de donner à chaque agent, en complément du référentiel des métiers et en amont de la négociation sur la GPEC prévue au second semestre 2014, plus de visibilité sur ses perspectives de développement professionnel et d’évolution de carrière.

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